JEAN BOUVIER CAVORET

Jean Bouvier Cavoret

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CELEBRATION DE LA LAVANDE

JEAN BOUVIER CAVORET PARLE DE ROBERT MOREL

Nous sommes en 1966. Robert Morel a quarante-quatre ans. Je l'invite à mon émission littéraire du Journal de France Inter.

Dès les premiers mots, nous savons que son Jas du Revest Saint-Martin et mon Pré des Poiriers se nichent de chaque côté de la Montagne de Lure. Celle des Alpes de Haute-Provence. Celle où vit Ennemonde. Celle de Giono.

Dix kilomètres à vol d'oiseau entre le jas et le pré. Mais une bonne heure en voiture pour contourner le pied de la montagne. On laisse Forcalquier à droite. Liaison assurée.

   -  Puisque vous y cultivez de la lavande, dit-il, vous savez ce qu'il vous reste à faire. Le contrat est prêt.

Robert Morel est direct. Naturel. Joyeux. Entraînant.   Il a quitté Paris pour donner vie à des livres différents. Au faîte de sa gloire d'éditeur, il déniche des auteurs. Retrouve ceux que l'on avait cru morts. Donne la parole à   ceux que l'on avait cru muets. Comment résister ?

En fait, il est tout ce que l'intelligentsia parisienne a toujours envié, jalousé, détesté. Les germanopratins, que dis-je ? Une certaine mentalité de province, aussi. Dans les Alpes de Haute-Provence, Robert Morel va payer le prix de son originalité. De son immense talent. De son amour des pierres sèches.

Au fil des mois, le maire du hameau qu'il sauve de la ruine détourne la source. Barre son chemin. L'empêche de vivre et de travailler. Le blesse chaque jour un peu plus. Combat incessant. Epuisant. A la haine s'est ajoutée la bêtise.

Les années passent. Nous sommes en 1989. J'ai signé quelques livres. Je ne cultive plus de lavande. Mais du riz en Camargue. Je suis Maire adjoint d'Arles. Administrateur de la Caisse locale du Crédit agricole. Un soir, j'apprends que l'éditeur décentralisé n'est plus au jas.

Robert Morel accepte de venir à mon invitation. Arles rend hommage à son oeuvre. Discours et médaille. Robert Morel écoute. Sourit. Repart. Vingt-cinq ans après, où est l'homme si vivant des Célébrations ?

Le Crédit agricole dresse une oreille. La banque qui, entre mille autres choses, arme des bateaux pour la course, étudie les possibilités. Cela prend du temps. Beaucoup de temps. En fin d'année, le Directeur organise un déjeuner de travail. On attend Robert Morel. Il ne viendra pas. Il est en train de mourir.

 
 

Jean Bouvier Cavoret

  1er octobre 2007
 

 

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