ODETTE DUCARRE

 

ET

 

SA PEINTURE

       

 

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Illusoire était cependant le chemin que vous suiviez sans doute en venant à Paris, dans cette Ecole des Beaux-Arts dont l'agonie s'est prolongée jusqu'à aujourd'hui, pour vous y inscrire à l'atelier de la fresque. Il ne vous aura pas fallu beaucoup de temps pour remettre à plus tard l'espoir de voir les murs servir aux uns d'écritoire, où les autres viendraient lire à livre ouvert. L'art populaire n'était pas au bout de ce chemin-là. La peinture était condamnée à l'isolement, à des rencontres malaisées. Mais cette distance où elle semblait se retirer lui faisait faire un pas décisif vers nous : elle cessait d'être mensongère.

Vous avez alors compris, quant à vous, que la vérité exigeait une pratique au jour le jour. Vous étiez née, comme nous tous, avec l'art en partage. Mais combien sauraient faire un usage habituel de leurs dons ? Votre oeuvre serait partout où vous passez, dans les couleurs que vous portez, dans les objets que vous posez sur la table, dans les pierres que vous assemblez, dans les livres et les amitiés que vous construisez. Il ne pouvait y avoir d'un côté votre vie et de l'autre cette activité que j'ai essayé de décrire et qui s'y serait ajoutée comme un luxe. Simplement tout pour vous était art.

C'est peut-être pour cela que vous avez voulu construire, non parce que l'art de construire a passé pour l'art majeur, mais parce qu'il est l'art de la vie quotidienne. Depuis qu'ils ont cessé d'être entièrement dépendants de leur milieu naturel, les hommes ont senti le besoin de mettre de l'ordre autour d'eux, d'organier l'espace selon leur pensée, pour l'habiter. C'est de cette façon-là que vous avez puisé tout à la fois l'assurance et l'humilité nécessaires. Ainsi êtes-vous à l'écart des compromissions dans lesquelles s'abîme aujourd'hui l'architecture.

Mais alors pourquoi dans tout cela, la peinture (ou ce que nous avons convenu d'appeler de ce nom) ? Une image le fera comprendre. Dans l'atelier, il vient un moment où le peintre s'éloigne de son oeuvre. Il en prend une vue d'ensemble. Il se recule. C'est la réponse du tableau qu'il attend à ce moment ; l'image est-elle véridique ? Une peinture qui se ferait sans que le peintre prenne le recul nécessaire me laisserait, je crois, insatisfait.

C'est à quoi vous sert la peinture. Elle est pour vous, si je comprends bien, le moment de l'unité. Elle ne résume pas votre entreprise, elle la fonde. C'est le lieu où vous vous ressemblez le plus à vous-même. N'a-t-on pas remarqué, au surplus, que tout le reste est construit avec le même matériau qu'on rencontre ici à l'état pur, sans alliage, - avec la lumière ?

Extrait de O Ducarre, de Pierre Joly

 

 

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Ce monde a beau vaciller sans cesse, un peintre se présente à nous, avec sa foi et son grand talent.

Quelle entreprise que la sienne ! Les apparences usées, les arbres dénudés, il lui faut nous les restituer en fleurs.

D'où êtes-vous, Odette Ducarre, d'où revenez-vous, chargée de toutes les certitudes de la raison et de la gravité ? Par ces oeuvres que vous nous montrez aujourd'hui, nous apprenons que vous avez quitté de grands bruissements pour accéder aux enclos sacrés de la peinture, c'est-à-dire au plus difficile et au plus valable.

(...)

Dans ce que vous traduisez pour nous, Odette Ducarre, il y a volonté et sûre réussite d'explications majeures. Vos yeux sont de peintre et d'ange sauvage et savants. Vous voilà, marchant sur le beau et terrible chemin.

Extraits de ODETTE DUCARRE, par Robert Ganzo

 

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Hier, j'aurais su dire, je crois, les magies d'Odette Ducarre. Plus que la poésie ; dire la religion dont vos toiles sont habitées, et ces longues gouaches aux noirs patients et dures que j'appelle des noirs de Genèse à cause de tout ce qui tremble et se propose en eux. Aujourd'hui ? Pardonnez-moi. Je vous le répète : il a plus des jours et des jours. Cette mouvante muraille de la pluie...

Pourtant la peinture n'appartient-elle pas aux murailles ? Je m'invente votre présence ici et tout devient muraille hantée, muraille d'église. L'espérance rentre d'exil, le silence est exorcisé. J'entends vos tableaux en ce musée du jour avare. J'y entends vivre des soleils obscurs. J'entends se parler des rosaces et des puits, des clartés et des bitumes, des sources provoquant un infini de gravier et le mouvement et l'immobilité se réconciliant et le galop de l'eau et le langage des odeurs. Oui, j'écoute vos toiles, Odette, vos étranges et riches dessins, et sans cesse ils m'invitent à prier. (...)

Extrait de ODETTE DUCARRE, par Loys Masson

 

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Hier, j'aurais su dire, je crois, les magies d'Odette Ducarre. Plus que la poésie ; dire la religion dont vos toiles sont habitées, et ces longues gouaches aux noirs patients et dures que j'appelle des noirs de Genèse à cause de tout ce qui tremble et se propose en eux. Aujourd'hui ? Pardonnez-moi. Je vous le répète : il a plus des jours et des jours. Cette mouvante muraille de la pluie...

Pourtant la peinture n'appartient-elle pas aux murailles ? Je m'invente votre présence ici et tout devient muraille hantée, muraille d'église. L'espérance rentre d'exil, le silence est exorcisé. J'entends vos tableaux en ce musée du jour avare. J'y entends vivre des soleils obscurs. J'entends se parler des rosaces et des puits, des clartés et des bitumes, des sources provoquant un infini de gravier et le mouvement et l'immobilité se réconciliant et le galop de l'eau et le langage des odeurs. Oui, j'écoute vos toiles, Odette, vos étranges et riches dessins, et sans cesse ils m'invitent à prier. (...)

Extrait de ODETTE DUCARRE, par Loys Masson