
« L’événement n’a pas surpris. 
    Il se prévoyait, il se préparait. Le XXème siècle 
    ne tient plus dans sa vieille peau. Non seulement l’Université, 
    mais l’Usine, le Bureau, le Commerce, la Cuisine, le Théâtre, 
    la Monnaie, l’Amour, l’Europe ne sont plus ceux de Papa. Les journées, 
    les nuits qui ont secoué Paris, et la France, avec une insolence exemplaire, 
    ont rappelé au monde étonné que le 14 juillet était 
    un jour français, que la liberté était toujours de nationalité 
    française.
    (…) 
    Un point d’histoire aussi, car les barricades ont eu vite fait de changer 
    de mains, puis de visages.
    Cette révolution-là, jeune, altère, folie, intelligente, 
    n’aura pas duré plus longtemps que les autres. Elle a fichu la 
    trouille aux professionnels. De haut, on a tapé dans le tas, pendant 
    que les beaux partis investissaient au Quartier latin. Le monde ancien ne 
    s’est pas démis de ses fonctions, de ses pouvoirs, de ses monopoles, 
    de ses prétentions. Il a cherché encore une fois à profiter 
    de la situation. Quand donc ceux qui ne sont pas capables de faire une révolution 
    n’en priveront-ils plus ceux qui ont le courage et l’occasion 
    de la faire ?…
    « Merci les Grands », proclamait un petit garçon sur sa 
    pancarte neuve.
    Les grands, frustrés, déçus, cocus, ne feront plus de 
    barricades pour le Roi de Prusse. Les petits, dans dix ans, devront-ils recommencer 
    ? Que ce livre de bons et de mauvais souvenirs les encourage alors à 
    dire merde à gauche autant que merde à droite. Perpétuelle 
    leçon. »
    Robert Morel, préface à « Barricade 68 » de Joseph 
    Henz