
France Inter: Grandes enquêtes - 09.05.1966
- Dites-nous pourquoi d’abord vous avez quitté Paris et pourquoi vous êtes éditeur.
- Je pense que c’est simplement un goût de la liberté et de l’aventure. On est dans une époque où l’on peut faire encore n’importe quoi. Je pense qu’il y a vingt ans, c’était peut-être pas tout à fait possible, et dans dix ans ce sera plus possible. On est quand-même dans une époque industrielle et il faut jouer avec son époque. Et avant tout pour moi c’est un exercice de liberté, un amusement, une action concertée. Et je ne cherche pas à faire ce que les autres font. Puisqu’ils le font, à quoi cela sert ?
- Pour conclure maintenant Robert Morel, peut-être pourriez-vous nous parler de cet avenir de l’édition. Tout à l’heure vous me donniez deux dates. Il y a dix ans et dans dix ans. Nous pouvons faire ces choses que nous faisons pendant ces vingt années, et après que va-t-il se passer ?
- Je ne suis pas dans le coup. Vraiment je ne suis pas dans le coup. L’avenir est politique, et la vraie politique c’est-à-dire l’organisation de la société m’effraie. J’imagine bien ce que deviendra l’édition, où ce que l’on exigera d’un livre, dans la société de demain.
- Oui, dites-nous ?
- Et bien c’est dégueulasse et ça ne me plaît pas. Alors l’édition française en attendant prend deux directions qui semblent bonnes. D’une part le livre de bibliothèque, le livre bien fait, le livre qui fait plaisir à voir qui fait plaisir à lire et qui reste quand-même bon marché. À côté de nos livres, je vois que des maisons comme Denoël, en ce moment, pratiquent aussi cette politique. Et à côté de ces livres, je ne vois guère de place pour le livre broché, sinon pour cette formule toute nouvelle qu’est le livre de poche et l’application de la formule du livre de poche à toutes les disciplines.

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