Robert Morel a dû traverser la deuxième guerre mondiale. Ici un écrit à côté de Julien Green...
"(…)
Les vrais catholiques de France, ce sont aujourd’hui ces jeunes gens
qui se sont fait tuer pour leur terre et leur foi, les fusillés de
la place Bellecour, du Vercors, de Saint-Genis, les religieux et les petits
curés que l’on trouve un peu partout dans les armées et
dans la flotte de la résistance, les Révérends Pères
qui rédigèrent les « Cahiers du Témoignage chrétien
» en dépit du fameux « pouvoir établi ». Ceux
qui avaient choisi la liberté.
Robert Morel, l’auteur du second de nos pamphlets, est l’un d’eux.
On connaît son « Annonciateur, cette vie de saint Jean-Baptiste
qui retrouve les sources vives de l’Amour et de la Présence,
ce livre proprement libérateur. Réfractaire à la relève,
menant depuis des années une vie clandestine pleine de dangers, Robert
Morel parle ici du fond de son expérience, qui est celle de milliers
de jeunes chrétiens français. De cette génération,
on est en droit de tout attendre, et ses catholiques seront tout autre chose
que leurs prudents aînés, emportés avec l’Ordre
moral de Vichy qui fut leur suprême et parfaite expression (…)"
Albert Béguin
Introduction à « Deux Pamphlets contre les bien-pensants »
Les cahiers du Rhône, série bleue, Edition de la Braconnière, 1944
" Tu ne crois en rien, peut-être crois-tu en ta Nation, crois-tu
en ta Race, crois-tu en ta famille qui a un nom connu parce qu’un de
tes ancêtres fut grand ou fut riche, et même coirs-tu en Dieu,
Dieu d’or ou Dieu de glaise, Dieu de guerre ou Dieu de paix, ou simplement
en ce Dieu de ton catéchisme, de ton église, - et qu’importe
en quoi ! tu as la tête haute comme levée de souvenir qui te
font dire : « moi, je suis libre ! »
Frère ou sœur, compare cette liberté pour laquelle même,
peut-être, tu meurs, à celle-ci pour laquelle je fais semblant
mourir au regard de beaucoup, que m’a offerte Notre-Seigneur, qu’Il
t’offre.
Tu appartiens au monde, né du monde, nourri de sa nourriture, habitué
à ses habitudes, parlant ses langues, vêtant ses vêtements,
lisant l’auteur qu’on doit lire, épinglant tes rendez-vous,
te repas, tes repos au tic-tac de ta montre … Cela te pèse ou
non, te mène ou non – mais as-tu quitté le monde ? as-tu
eu l’occasion ou la folie (ou la raison) de laisser à ses goûts,
ses instincts sociaux, ses guerres, ta propre génération ? Peux-tu
dire à tes camarades de travail, à ceux qui écrivent
et lisent les journaux présents : « Qu’y a-t-il de commun
entre vous et moi ? »
Le monde m’a libéré de lui-même au moment où
il affirma que j’étais son bien et qu’il pouvait tirer
de moi à sa volonté un soldat ou un outil de plus. Et j’ai
dû choisir. Et quoiqu’il me semblât qu’en acceptant
ce monde, j’y gagnerais au moins la liberté de manger ce qu’on
me donnerait, de respirer sans craindre plus qu’un autre, j’ai
obéi à l’autre appel. Et j’ai choisi Dieu. (…)"
Robert Morel
Extrait de « De la terre et du ciel » dans « Deux Pamphlets contre les biens-pensants »
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