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Le monde des dessins animés et la télévision en général, véhicule de nombreux stéréotypes autour des genres masculin et féminin. Ici vous trouverez des articles qui traitent de ce sujet. Pour avoir une idée de pourquoi votre enfant a commencé à aimer les robes de princesse ou les dragons ...

 

 

Pourquoi existe-t-il des dessins animés qui montrent des petits garçons qui construisent des appareils extraordinaires et des petites filles qui savent bien s'habiller ?

Peut-être parce que le public demande cela ?

L'IDENTIFICATION

" Généralement, à partir de six ans, au sortir de la crise oedipienne, le choix des héros est fonction du sexe de l'enfant. Auparavant, les identifications sont nettement moins sexuées. Les concepteurs proposent aux plus jeunes des héros anthropomorphes qui leur rappellent leur « doudou » préféré : ourson, lapin, tortue, souris. Rondeur et douceur sont de mise : l'aspect maternel, rassurant, plaît aux petits.

Dès que l'enfant marche et se sent indépendant, il réclame des personnages plus toniques, plus typés, dont il peut rapidement distinguer qu'il s'agit d'une fille ou d'un garçon. Notons que Mickey, malgré l'apparition de Minnie dès Steamboat Willie, le premier dessin animé sonore, en 1928, a été, comme Tintin, l'objet d'identifications massives, tant des garçons que des filles. (...) L'unanimité se faisant sur la sympathie dégagée par les deux héros. Ce sont leurs attitudes à la fois enfantine et adulte - sans âges, pourrait-on dire - qui rendent possible l'identification par tous." 1.

 

" Les comportements de chaque enfant seront le reflet de ses composantes individuelles - son tempérament - et de sa manière à entrer en relation avec les autre - son caractère. Ainsi, chacun préférera une certaine catégorie de personnages, dans laquelle il choisira un ou plusieurs héros. Généralement, son héros appartient au même sexe que lui. Mais c'est à la sortie de la crise oedipienne et en entrant à l'école que cette appartenance psychique se détermine avec le plus de netteté. Avant, plus l'enfant est jeune et plus il joue indifféremment le rôle d'un papa ou d'une maman, qu'il soit fille ou garçon. (...)

Les identifications se mettent en place de façon oscillatoire, jusqu'à ce que l'enfant ait trouvé les caractéristiques lui convenant, qui formeront sa personnalité. Certains parents ont tendance à s'opposer aux préférences de leurs enfants et à leur imposer des jeux de l'autre sexe, pour éviter une éducation sexiste. C'est une erreur ! Inversement, un garçon qui joue à la poupée ne doit pas faire craindre à ses parents - car c'est bien de crainte qu'il s'agit - qu'il se prend pour une fille : il n'est pas nécessaire de l'endurcir. De même, une fille qui aime jouer au cow-boy ne se prend pas forcément pour un garçon ! L'enfant s'essaye à ce qui se présente à lui ; ensuite, il choisit. " 2.

 

Mais si l'enfant demande de voir des personnages auxquels il pourrait s'identifier, c'est à nous parents d'être attentifs à montrer des films où les différences entre les hommes et les femmes ne les enferme pas dans des rôles pré-établis.

C'est facile de montrer la maman qui s'occupe toujours de ce qui est repas ou lessive...

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Dans l'âne Trotro, (une série pour les tout petits) la maman en robe rose, gère tout ce qui est cuisine ou lessive... pour ce qui est domestique, le papa ira faire les courses.

 

On trouve des situations stéréotypantes pour créer des scènes pleine "d'humour", pour faire comprendre plus facilement une situation, parce que parfois le film date un peu, parce qu'il a été créé par des personnes qui n'avaient pas l'impression que la femme avait le droit de faire autre chose que d'élever les enfants et faire le ménage (par exemple, dans les publicités qui doivent en un temps record faire passer un message, les stéréotypes abondent).

 

" (...) la série américaine Archie, mystère et cie, destinée aux dix-douze ans, et qui prétend refléter le monde des enfants de cet âge, renforce le sexisme par des petites phrases assassines du genre : « Elle n'est pas trop bête pour une fille... » ou « Pas trop macho pour un garçon ». Mine de rien, ces dialogues distillent des stéréotypes dont tout le monde aimerait se défaire, mais qui persistent malgré les aménagements légaux de non-discrimination.

Les dessins animés qui proposent cette sorte de situation sont ceux que l'on pourrait qualifier de « mimétiques ». Ils n'offrent pas aux enfants suffisamment de distance avec leur vie courante pour leur permettre de jouer avec l'image." 3.

La télévision devient une nouvelle fenêtre sur le monde, même si dans votre ménage vous arrivez à montrer que ce n'est pas forcément maman qui, après avoir fait le repas, s'occupe de la vaisselle et des autres tâches domestiques pas encore terminées, le temps de coucher les enfants...

"On a pu montrer à plusieurs reprises et de manière convaincante que la télévision a une influence sur la conception des enfants vis-à-vis de la réalité sociale (Dorr, 1982 : Hawkins et Pingree, 1982 ; Dorr-Leifer, 1975 ; Noble, 1975).

Un des effets qu'elle peut avoir est de favoriser les stéréotypes au sujet de thèmes sociaux comme les rôles respectifs des hommes et des femmes. Aux Etats-Unis, l'analyse du contenu des programmes a montré que la télévision présente généralement des visons très stéréotypées des rôles masculins et surtout féminin, et des études ont mis en évidence que, déjà l'âge de trois ans, les enfant qui regardent assidûment la télévision ont des vues plus stéréotypées des deux sexes que les enfant qui la regardent moins (Greenberg, 1982, p.136). Les enfants retiennent simplement ce qui est présenté à la télévision américaine, à savoir les stéréotypes relatifs aux rôles sexuels. Georges Gerbner, un pionnier de l'analyse du monde social dépeint par la télévision américaine, a résumé ses conclusions de la manière suivante : « Les personnages masculins aux heures de grande écoute sont trois fois plus nombreux que les femmes, et, à peu d'exception près, les femmes y sont décrites comme des satellites faibles et passifs d'hommes efficaces et puissants. Les personnages masculins jouent également une grande variété de rôles, tandis que les femmes sont généralement montrées en tant qu'amante ou mère. À la télévision, moins de 20% des femmes mariées ayant des enfants travaillent hors de la maison - alors qu'elles sont plus de 50% dans la vie réelle » (Walter, 1982). (...)" 4.

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Dans Bambi ©Disney, créé en 1942, on ressent qu'il y a eu quelques révolutions entre la vie de ces personnages et la nôtre. Notre rapport aux parents a bien changé, enfin, nous l'espérons...

Aujourd'hui les scénaristes peuvent être sensibles à cette question : Dora, Ariel, Mulan, Jasmine, Belle, Mai, ... Les petites filles n'ont pas que des Minnie ou Daisy comme héroïnes. Il y a peut-être encore un effort à faire pour que les mamans ne soient pas toujours celles qui préparent le repas en jupe et tablier.

 

L’image de la femme dans le dessin animé va forcément influencer le spectateur. En dehors des messages véhiculés par le scénario, ce que l’on nous montre des héroïnes de Disney va marquer les petites filles, les petits garçons. Le physique de la princesse, sa personnalité peuvent être des repères quand l'enfant se construit.

L’apparence: chez Disney les héroïnes sont toujours belles, certes il y en aura pour tous les goûts, mais l’animateur a souvent à travers l’apparence posé les canons de la beauté de son époque.
Le premier long-métrage date de 1937. «Blanche-Neige est maquillée, exactement comme les héroïnes hollywoodiennes. C’est le même rouge à lèvres bien vif que l’on retrouve chez Colleen Moore ou Lillian Gish (...). Elle a également de Lilian Gish ces yeux, les cils noirs bien dessinés et recourbés. (...) De même, telle Vilma Fanky, son visage est d’une pâleur typique de l’époque où les films noir et blanc jouaient sur le contraste pour accuser les expressions, mais aussi où les femmes dans la vie courante optaient pour cette blancheur. Être bronzée est à l’époque un aveu d’échec et compromet la séduction.» 5. Elle a un style femme enfant qui plait à l'époque.
En 1950 apparaît une nouvelle princesse. «Pour la première fois, les artistes se trouvaient confrontés au concept de beauté idéale. Même si Blanche-Neige devait aussi être belle, son côté enfantin permettait de contourner cette idée. Cette fois, l’équipe se dit qu’elle devait faire tomber tout le monde amoureux de Cendrillon, et plus encore, provoquer l’identification du public féminin. Dans sons remarquable ouvrage, The Magic Kingdom, Steven Watts nous dit: «Peut-être l’image la mieux définie de la femme Disney apparaît-elle au début des années cinquante avec Cendrillon. Son héroïne devait être la femme idéale de l’époque» Plus que jamais les collaborateurs de Disney vont-ils rechercher les canons en vogue de la beauté, toujours dans les films, mais aussi les publicités et les magazines qui restent le meilleur reflet des tendances». 6 L'animation doit être fluide et faire honneur à la femme. «Une fois encore, on fait appel à une femme rompue à l’exercice de la danse, ce qui transparaît dans la démarche à nouveau délicate de l’héroïne» .7 L'animateur pourra ainsi reproduire une gestuelle pleine de grâce.

La taille fine reste un canon de beauté classique. Si les femmes on pu se libérer du corset, après la guerre, des styliste comme Dior continuent de promouvoir une taille très fine.
L’après guerre va proposer une nouvelle mode, les pin-up, Clochette à des formes qui peuvent rappeler ces demoiselles de magazines, mais cela reste difficile pour les animations Disney de proposer un physique qui ne se rapproche pas de l’anorexie, toutes les héroïnes ont des corps irréalistes (et le plus souvent ce sont le méchantes ou les comiques qui osent avoir du poids).

les femmes chez Disney

La femme devait être désirable pour plaire à l’homme, pour qu’il puisse s’intéresser à la plastique qu’il avait en face de lui. Avec le temps, les scénaristes vont devoir changer la vision de la femme, elle n’est plus seulement un objet. Les femmes vont commencer à obtenir ce qu’elles veulent et vont pouvoir user de leurs charmes pour cela. «La sensualité sera pendant très longtemps l’apanage quasi exclusif des «méchantes» chez Disney. Face aux ingénues que sont les héroïnes, les méchantes offrent l’image de femmes plus mûres, expérimentées et dont les nombreux artifices évoquent le désir de séduction» 8. On aime le naturel et «dans ces conditions, on comprend qu’il fallut attendre longtemps avant que la sensualité ne soit plus envisagée négativement mais puisse être aussi l’apanage de personnages positifs. Pendant longtemps, le corps ne devait jamais être un argument, une arme» 9. Jasmine, Esmeralda ou Megara sauront parvenir à leur fin grâce à leur sensualité, elles savent ce que vaut leur corps et savent se montrer persuasives.

 

L’éducation: «Walt Disney a souvent été accusé d’être conformiste et, ne s’en défendait d’ailleurs pas. Très conservateur et attaché à des valeurs traditionnelles américaines très profondes, il était plus ouvert aux innovations technologiques et artistiques qu’idéologiques. C’est pourquoi il faudra beaucoup de temps avant que ses films ne reflètent une société qui a changé, une société où la femme ne veut plus être qu’une femme au foyer qui «siffle en travaillant». L’idée de la femme désormais entourée de multiples gadgets ménagers, épanouie dans son rôle de ménagère persiste dans les années cinquante. D’innombrables publicités en témoignent. Disney suit donc cette continuité. D’ailleurs aucune critique ne relèvera ce statut de femme dépendante et inactive dans ses films. En revanche, le divorce entre une réalité qui évolue et la femme dans les films disney peut se situer autour des années soixante. Il est d’ailleurs intéressant de constater que, si les jeunes femmes abondent dans ses films des années trente à cinquante, elles sont ou absentes ou mineures entre 1960 et 1985» 10..

«Un des traits communs à Blanche-Neige et Alice, héroïne victorienne par excellence et le carcan éducatif imposé à cette époque aux enfants, les rendant terriblement coupables au moindre écart. Blanche-Neige ne dit-elle pas «Je ne suis pas fière de ma conduite» alors qu’elle a tout simplement fui la menace de mort du chasseur, ou peut-être regrettait-elle de s’être laissée aller lancer un baiser à son prince ? L’enfant dickensien dans le contexte victorien subit une éducation des plus rigide qui transparaît souvent dans les films Disney» 11.
«Blanche-Neige est une victime qui ne doit attendre le salut que des animaux, des nains et du Prince, Charles Solomon écrivait dans le L.A. Times: «Il n’y a aucune place pour l’action de la part de l’héroïne. On ne parle que de sauvetage et de passivité.» Personne n’était choqué à l’époque, et, outre la mentalité de la société d’alors (...). Les nains symbolisent d’ailleurs dans leurs réflexions apparemment grotesques un peu tous les courants de pensée masculins des années trente, Blanche-Neige est tout à tout une «mignonne», un «ange» ou du «poison», et c’est le fait qu’elle cuisine qui rallie tout le monde à sa cause. Elle fait la soupe, le ménage, que demande le peuple ? Cette image de la fillette ingénue et soumise allait longtemps marquer les esprits. La pérennité de ce personnage allait typer l’héroïne Disney pour de longues années (....)." 12. Aurore est aussi à la disposition de l'homme, grâce, féminité, plutôt timide, elle ne semble exister que pour attendre l’amour, une beauté blonde en plein romantisme qui ne parle presque pas et qui n'ira pas contrer le baiser du prince charmant.

Avec Alice, on nous fait suivre les aventures d’une petite fille qui doit bien être éduquée. «Alice s’auto-régule, prenant la voix et le rôle de sa mère: «Nous ne devrions pas faire cela, ce n’est pas correct» ou «La curiosité est un défaut qui attire les ennuis» ou encore «Il faut être très prudent, il est presque certain qu’on a de très gros ennuis dans ces cas-là.» Alice cherche en vain tout au long de ses errances à recréer le cadre qui fait celui de sa vie en société. Plusieurs mémos rappellent que «Alice est bien éduquée, bien élevée, plie, et parle doucement.» 13. Elle est confrontée à un monde de fou, lui arrive des histoires étranges, elle a besoin de repères et c'est sa bonne éducation anglaise qui est mise en avant.

Chez Disney, chaque nouvelle génération de scénaristes va vouloir proposer des personnages féminins plus actifs, mais ils subissent des pressions, ils doivent plaire à tout le monde, c’est compliqué.
En 1985, Taram et le Chaudron magique va amorcer des changements dans les studios. Les temps changent, les filles ne sont plus entièrement dévouées aux tâches ménagères. «Il y a cette scène où elle raccommode une pièce d’un pantalon appartenant à l’un de ses équipiers. Elle coud, sans s’interroger, comme Cendrillon. Oui, mais elle n’y arrive pas !» 14. La princesse est plus compétente pour sauver Taram du seigneur des ténèbres que pour raccommoder. «Eilonwy semble inclassable. Les raisons en sont multiples, mais en même temps, ce personnage est l’archétype de la charnière indispensable entre hier et aujourd’hui. S’il ne faut pas exagérer son impact, on ne peut que réaliser après coup, combien elle incarne une transition entre les fades princesses des contes Disney et les demoiselles des années quatre-vingt/quatre-vingt-dix.»15. S’est la même chose pour Bianca, qui certainement plus performante que Bernard a quand-même bien besoin de lui. Il faudra encore quelques années pour que les films d’animation Disney nous montrent des jeunes héroïnes rebelles, anticonformistes, différentes (Ariel, Jasmine, Esmeralda, Belle, Mulan, ... ). On nous montrera des femmes qui valent autant que le garçon, même à la guerre (comme Mulan), Tania se montrera femme d’affaire, Belle très intelligente, ... .

Chez Disney, on va continuer de donner le message aux jeunes filles que c’est auprès d’un homme qu’elle pourront enfin trouver le bonheur. Heureusement, petite évolution, depuis La Belle et la Bête, «une héroïne ne peut plus être amoureuse d’un seul regard. Ce regard devra désormais s’accompagner d’une approche plus intellectualisée» 16. Il reste un paramètre qui ne changera jamais chez Disney, la famille est un bien précieux. Dans énormément d'animation, on nous montre l’importance de la relation amoureuse et aussi l’importance d’avoir des enfants, l’amour des parents. Une femme doit être mère et épouse avant tout. Quand la femme se permet de faire autre chose de sa vie (comme Mme Banks qui va militer avec les suffragettes, elle ne peut que cacher ses banderoles des yeux de son mari. «Pour couronner le tout, il y a cette scène où elle ne sait que faire de ses enfants car elle doit rejoindre ses amies lors d’une nouvelle protestation. Le message est clair et on ne peut plus dégradant pour ces femmes: elles feraient mieux de s’occuper de leurs enfants au lieu d’aller fanfaronner dans la rue» 17.
Il y a un conditionnement à devenir mère, et on apprend cela dès le plus jeune âge. «Wendy est donc tiraillée entre toutes sortes de sentiments, ne sachant trop qui elle est, ce qui est typique de cette période troublée de l’adolescence. Il lui est d’autant plus difficile de trouver sa vraie place que son entourage la met dans des positions diverses et contradictoires. Pour Peter (Pan) elle est d’abord une mère mais, entretient un amour-amitié. Pour ses frères elle est d’abord une soeur puis ils pensent qu’elle est leur mère. Les garçons perdus la désignent comme leur mère, Clochette et les sirènes en font une amante concurrente et, pour Crochet elle est la belle de Peter18.

Et si on va regarder de plus près ce qui se passe pour les nouvelles héroïnes, elles ont encore beaucoup de choses à régler, que ce soit avec leurs pères ou leurs futurs maris.

Les passages ci-dessus sont extraits d’un livre formidablement documenté de 200 grandes pages, et qui offre beaucoup d’anecdotes sur la création des héroïnes Disney ("Les Héroïnes Disney dans les longs métrages d'animation"). Nous avons ici sélectionné ce qui mettait en évidence l’influence que peuvent exercer ces personnages sur les spectateurs.

 

 

On nous présente aujourd'hui de nouvelles héroïnes, mais vont-elles réussir à changer des siècles de domination masculine ? Le garçon aurait plus de valeur que la fille, il serait important pour les parents d'avoir un fils. On imagine cela propre à des civilisations anciennes, ce sont pourtant des ressentis qui traversent le temps et s'accrochent aux films pour enfants. On va parler ici des animé Mulan, Tarzan et Shrek.

"Certains personnages semblent définitivement catalogués comme ringards. Ainsi les princesses absolument belles, bonnes, gracieuses et délicates (La Belle au Bois-Dormant, Cendrillon, ...), ainsi des jeunes filles bien élevées, promptes à materner le tout-venant (Blanche-Neige, Wendy dans Peter Pan, ...). Le temps est aux héroïnes qui agissent et qui pensent: Mulan à la guerre, Jane dans une expédition scientifique. Leur intelligence est un élément clé du personnage, alors que ce n'était jamais le cas précédemment. Voilà des personnages de filles qui semblent aussi débarrassées des scories habituelles d'une féminité caricaturale: elles ne sont pas ridiculement peureuses, ni absurdement coquettes ou capricieuses. Elles n'ont plus rien de passif non plus, et elles savent se défendre. Mulan, déguisée en garçon pour remplacer son père à la guerre, se montre capable des mêmes efforts et des mêmes prouesses que les autres soldats, et fait preuve d'ingéniosité. Jane, quant à elle, se montre tout aussi savante que son père sur les gorilles. Elle ne craint pas de se trouver seule dans la jungle, essayant de s'en tirer même sans l'aide de Tarzan. Le cas de la princesse Fiona est un peu différent puisqu'il s'agit d'un personnage explicitement parodique. La coquetterie et la grâce d'une princesse sont montrées comme artificielles (...). Si elle a attendu son sauveur, c'est uniquement pour respecter la tradition, car elle est parfaitement capable de se défendre seule, comme elle le fait par la suite en envoyant au tapis une dizaine d'hommes à elle seule." 19. Mais ces femmes peuvent être entourées de personnages comme le chasseur Clayton qui incarne le modèle de masculinité pour Tarzan. "Dans Mulan, c'est la "Dame marieuse" qui indique la norme en matière de féminité, en faisant passer un test à la jeune fille pour déterminer si elle est prête pour le mariage. Mulan doit se montrer soumise, polie, serviable, gracieuse, élégante, elle doit savoir servir le thé et réciter des règles de conduite apprises par coeur. Faute de quoi nul homme ne voudra d'elle. Les garçons n'ont, eux, aucun test à passer. Tout en essayant d'innover au niveau des héroïnes, ces films maintiennent ainsi une vision des rôles sexués des plus classiques" 20. Dans Shrek, Lord Farquaad se voit choisir entre différentes princesses, réduisant la femme en un lot à gagner.

Si l'on se pose la question de l'enfant garçon qui serait plus nécessaire que la fille. "Dans Mulan comme dans Tarzan, le personnage du père de la jeune fille est très important. Dans les deux cas, le père est à l'origine de l'histoire, de la quête de la jeune fille, quête de l'honneur familial pour l'une, quête scientifique des gorilles pour l'autre. Il existe un point commun entre ces deux pères (...) : Ils n'ont pas de fils et ils semblent diminués. Le père de Mulan est affaibli par une ancienne blessure qui le fait souffrir et parfois chuter. Le père de Jane, lui, est petit et chétif, vieux, dégarni, mais surtout il semble un peu gâteaux, un peu simplet malgré ses compétences scientifiques. Est-ce une coïncidence? C'est peu vraisemblable. Le fait pour un homme de ne pas avoir de fils est considéré comme une faiblesse, un manque de virilité qui doit être symboliquement stigmatisé, figuré par une faiblesse physique ou morale. Dans Mulan, on nous montre par deux fois la fierté d'un père pour son fils partant à la guerre. En se déguisant en garçon, la jeune Chinoise essaie de donner à son père le fils qu'il n'a pu avoir. (...). Finalement Jane et Mulan trouvent chacune un compagnon ou un futur mari, qui se trouve être le fils idéal pour leur père: un demi-gorille devenu mâle dominant pour le père de Jane, et un grand soldat pour le père de Mulan" 21.

"Quel est le but de la quête des jeunes filles ? Certes, elles traversent des épreuves qui les révèlent à elles-même, qui les transfigure et leur proposent un destin hors du commun. Mulan, par exemple, se voit offrir par l'empereur de Chine lui-même une place au sein de son conseil, mais elle refuse et préfère rentrer simplement chez ses parents. Il semble qu'après tout ce qu'elles ont accompli et surmonté, les filles gagnent seulement le droit d'épouser le héros, à la grande fierté du papa. D'un point de vue symbolique, les aventures de Jane et de Mulan sont moins l'histoire de leur émancipation que celle de la restauration de la virilité du père par la quête d'un fils providentiel" 22.

Image du père de Mulan ou de Jane

Si l'on doit observer les signes de l'égalité dans ces films, c'est par exemple la capacité de se battre, mais "peut-on réellement considérer comme un promotion sociale le fait que dans ces films les filles se battent aussi? Filles et garçons ne s'y battent pas pour les mêmes raisons, et c'est là toute la différence. Selon ce qui nous est raconté, les garçons se battent parce que ce serait dans leur nature. Les filles se battent à contre coeur, pour se défendre. Il serait impensable qu'un garçon dédaigne la guerre, ou qu'une fille veuille en faire sa profession. (...) Une femme est encore et toujours une forteresse assiégée, son intimité doit être protégé contre les prédateurs masculins dans un monde qui lui est hostile. Si autrefois leur intégrité était défendue en apparence par toutes sortes de contraintes et de règles sociales appelées courtoisie ou galanterie, aujourd'hui les femmes ne doivent plus compter que sur leur seule combativité. Peut-on parler d'égalité dans ces conditions? Dans nos films, ce n'est qu'un leurre: il y a toujours les assaillants et les assaillies. Une fille qui se bat se doit en compensation de faire la preuve de sa "vraie" féminité et montrer qu'elle est toujours coquette ou bonne ménagère (...). L'adoption d'un comportement violent constitue plutôt pour nos héroïnes une acculturation, une acclimatation dans un monde étranger et hostile: celui des hommes" 23.

Si vous voulez des lectures autour de la représentation des filles ou des femmes dans les animés, vous trouverez ici, sur le site Le Guichet du savoir, de quoi passer du temps.

 

Les stéréotypes, ne se limitent pas à la différence entre les hommes et les femmes. Il faudrait aussi mettre en évidence la représentation des "gros", qui se retrouvent souvent attribués aux rôles soit comiques soit méchants; des vieux messieurs barbus souvent doux et gentils; des voix typées africaines pour des personnages comiques, ... . Les stéréotypes sont partout, et surtout dans les dessins animés.

 

 

1. "Psychanalyse des dessins animés". Geneviève Djénati. L'Archipel, Paris, 2001

2. Ibid., p. 163

3. Ibid., p.165

4. "L'enfant et les médias. Patricia". M. Greenfield - Jean Retschitzki. Editions universitaires Fribourg Suisse, 1988 p.39

5. "Les Héroïnes Disney dans les longs métrages d'animation". Christian Renaut. Dreamland éditeur, Milan, 2000 p.21

6. Ibid., p.30

7. Ibid., p.31

8. Ibid., p.119

9. Ibid., p.119

10. Ibid., p.91

11. Ibid., p.20

12. Ibid., p.24

13. Ibid., p.69

14. Ibid., p.44

15. Ibid., p.43

16. Ibid., p.113

17. Ibid., p.79

18. Ibid., p.83

19. "Publicité, dessins animés: quels modèles pour les filles ?". Sandra Rieunier-Duval. Nouvelles Questions Féministes, 2005, vol 24, n°1, p.87

20. Ibid., p.88

21. Ibid., p.89

22. Ibid., p.90

23. Ibid., p.94-95